Johann Plé, Gérant de portefeuille senior, AXA IM Core
Selon certaines estimations, le marché du financement lié aux projets et aux entreprises respectueux de l’environnement a déjà atteint la barre symbolique du billion de dollars et devrait progresser à toute allure en 2021[1]. Ce phénomène associé à un soutien politique croissant en Europe, aux États-Unis et en Chine, a contribué à faire du secteur des obligations vertes un puissant pôle d’attraction pour les investisseurs, de plus en plus conscients que le changement climatique représente une réelle menace pour notre santé économique et que les obligations vertes peuvent potentiellement jouer un rôle crucial pour faire face à cette menace.
Elles représentent selon nous l’un des piliers de notre évolution vers une économie mondiale durable, ainsi qu’un secteur où la gestion active approfondie peut contribuer à générer des rendements financiers et à avoir réel impact environnemental. À l’instar d’autres classes d’actifs dynamiques, l’univers des obligations vertes peut évoluer de façon spectaculaire. D’abord concentré sur les émissions liées aux obligations souveraines ainsi que sur quelques services publics, cet univers constitue un mélange plus équilibré qui repose sur des sources de crédit beaucoup plus diversifiées.
La gestion active nous permet de mieux nous adapter au gré du changement du marché et d’opérer une répartition active entre les régions les plus défensives / les plus chères de la planète si besoin, et ses régions les plus attractives, à rendement élevé, lorsque l’opportunité se présente. Un autre avantage potentiel pour les investisseurs actifs réside dans l’accès au marché primaire, qui fournit des liquidités et évite des frais de transaction supplémentaires sur le marché secondaire auxquels seraient confrontés les fonds passifs ou négociés en bourse (ETF).
Produire un impact
Une question se pose couramment lorsqu’un investisseur s’intéresse aux obligations vertes : comment être sûr qu’elles sont réellement vertes ? Si ce marché connait une forte croissance chaque année, aucune réglementation n’a encore été mise en place pour définir en toute cohérence les objectifs et les paramètres environnementaux ou garantir un niveau de transparence constant des émissions. Ici encore, une approche active est essentielle pour garantir au client une sélection d’obligations réellement vertes partout dans le monde, en toute transparence et en toute simplicité. Nous pensons qu’il est important, pour les grands acteurs de ce marché, non seulement de profiter des rendements financiers potentiels, mais aussi d’être certains que les projets environnementaux qu’ils soutiennent ont vraiment du sens et sont portés par des entreprises engagées dans la transition énergétique.
Grâce à une approche active, les investisseurs sont en mesure de définir quels émetteurs offrent le plus de transparence concernant les projets qu’ils financent et leurs impacts potentiels, comme par exemple le volume de CO2 évité. C’est grâce à ces données concrètes que les investisseurs peuvent appréhender la vraie nature des obligations vertes, mais aussi comprendre dans quelle mesure leur argent sert à financer le changement, et à quelle hauteur. Il s’agit d’un aspect fondamental de l’investissement dans les obligations vertes, sur lequel une approche passive ferait totalement l’impasse.
Actif et engagé
Pour participer concrètement à la transition énergétique, le simple fait d’acheter des obligations vertes ne suffit pas. Nous sommes profondément attachés à la bonne gouvernance de tous nos actifs, ce qui nous permet de nous maintenir au cœur du marché des obligations vertes. Il nous paraît cohérent de maintenir un dialogue ouvert et continu avec les émetteurs, qu’ils soient confirmés ou potentiels, sur la façon dont ils pourraient démarrer, poursuivre ou accroître leur engagement en fonction de leur activité économique.
Nos analystes ont rencontré près de 90 % des émetteurs impliqués dans notre stratégie d’obligations vertes, et plus largement, le fait que nous fassions partie du comité exécutif des Principes des obligations vertes[2] donne à AXA IM et à ses clients la possibilité de faire entendre leur voix dans l'élaboration de directives sectorielles visant à améliorer la transparence et la communication. Nous suivons également de près l’évolution du marché, afin d’attribuer des allocations aux émetteurs lorsqu’ils améliorent leurs protocoles, ou encore de reconsidérer les investissements qui ne satisfont pas à nos exigences.
Se mettre à l’ouvrage
Notre stratégie d’obligations vertes vise à produire un impact positif, parallèlement aux rendements financiers, mais comment les gestionnaires d’actifs peuvent-ils s’assurer que les émetteurs respectent bien ces exigences lorsqu’ils élaborent une stratégie ?
Avant d’évaluer la pertinence d’une émission d’obligations vertes, notre approche consiste d’abord à la passer au crible afin de refléter notre politique d’exclusions au niveau du groupe, puis à éliminer toute activité, tout secteur ou tout émetteur qui ne répondrait pas aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Notre système de notation ESG[3] permet d’identifier les émetteurs qui ne correspondent pas à ces critères.
Mais ce qui fait vraiment la différence, c’est notre cadre exclusif d’évaluation des obligations vertes[4], un outil grâce auquel nous cherchons à pallier le manque de dispositions communes dans ce marché en établissant des normes claires et cohérentes que les émetteurs, tout comme les clients, sont en mesure de comprendre. Ce cadre est le véritable moteur de notre stratégie active.
Il est conçu pour fournir une évaluation globale de chaque obligation, dans le but de garantir que les projets affectés à des fonds par une entreprise reflètent un engagement plus profond dans la lutte contre le réchauffement climatique. Nous évaluons la durabilité de la stratégie d’une entreprise, les impacts environnementaux concrets des projets sur le point d’être financés, la gestion des produits de l’obligation et le rapport d’impact de l’émetteur. Ce cadre exige, de ce fait, un très haut niveau de transparence.
Cette approche combinée épure l’univers de placement en éliminant environ 25 % des émetteurs. Le but est de réduire les risques de « green washing » tout en élaborant une stratégie diversifiée qui évite un positionnement « extrême » et qui conserve sa cohérence dans le temps.
Pour nous, la transparence est vitale. Nous pensons que dans le domaine des obligations vertes, une bonne stratégie doit être en mesure de mesurer ses bienfaits environnementaux et d’en rendre compte aux investisseurs. C’est pourquoi nous réalisons chaque mois un rapport d’impact, qui comprend des indicateurs spécifiques (comme le volume d’émissions évitées) mais aussi le détail des projets environnementaux financés, et nous évaluons la correspondance entre les investissements faits et les Objectifs de développement durable définis par les Nations unies.
Il est impossible, selon nous, d’atteindre cette profondeur de gestion sans adopter une approche active. Depuis le lancement de notre stratégie d’obligations vertes, nous cherchons à devenir la référence dans ce secteur où nous sommes précurseurs, en veillant à augmenter sa crédibilité et à soutenir sa croissance. Ce n’est qu’avec des normes exigeantes, une recherche pointue et un engagement en faveur d’une bonne gouvernance que nous pouvons véritablement limiter les risques de concentration, éliminer les controverses, empêcher le « green washing », améliorer l’accès au marché primaire et remodeler la nature des émissions. Grâce à tout cela, nous pensons qu’un gestionnaire actif sera en mesure de générer des rendements plus intéressants et de limiter les risques baissiers, tout en produisant un impact réel sur la lutte contre le changement climatique.
[1] https://investesg.eu/2021/03/23/green-bonds-are-on-the-rise-axa-investm…
[2] https://www.icmagroup.org/green-social-and-sustainability-bonds/executive-committee-and-working-groups/
[3] https://www.axa-im.com/responsible-investing/framework-and-scoring-methodology
[4] https://www.axa-im.com/documents/23818/221263/Green+Bonds+Framework+v2.pdf/6b2b9bc7-b541-1a7c-10f1-e7f253463604