Afin de répondre à la demande des investisseurs, les gestionnaires d’actifs prennent de plus en plus en compte les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leur sélection de titres. 505 nouveaux fonds ESG ont été lancés en 2020, sans oublier les plus de 250 autres fonds déjà opérationnels dont l’objectif d’investissement a été revu afin d’y intégrer les enjeux ESG.
En raison de la grande diversité des nomenclatures utilisées pour décrire les objectifs et les stratégies des fonds, les investisseurs rencontrent toujours des difficultés pour savoir ce qu’est véritablement un fonds durable.
Le règlement de l’UE sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR) représente le texte réglementaire le plus complet qui ait été adopté à ce jour pour aider les investisseurs à y voir plus clair dans l’offre croissante de produits.
Le détail complet de ces nouvelles obligations d’informations a été dévoilé, après le report de leur publication prévue à l’origine en 2020. À première vue, il semble que ce délai supplémentaire ait porté ses fruits puisque de nombreuses réponses et améliorations ont été apportées à la première mouture du règlement.
L’absence de nomenclature commune est problématique
En d’autres mots, le règlement vise à éviter que les fournisseurs de produits n’exagèrent les caractéristiques environnementales de leurs fonds. Il vise également à prendre en compte les facteurs environnementaux et sociaux dans les processus d’investissement, en encourageant les entreprises à réfléchir aux risques de durabilité qui représentent une menace pour leurs placements et les impacts négatifs que ceux-ci pourraient avoir sur des facteurs tels que le climat, l’environnement, les questions sociétales et le droit du travail, ainsi que le respect des droits de l'homme.
Pour ce faire, l’univers des produits d’investissement européens est divisé en quatre niveaux d’ambition en matière d’ESG, à savoir ceux qui n’ont pas de tels objectifs spécifiques ou contraignants, ceux qui possèdent des caractéristiques environnementales ou sociales et ceux dont le mandat fait entièrement la part belle à la durabilité.
Pour autant, même si les catégories devraient aider les investisseurs à identifier les groupes de fonds similaires, le casse-tête des nomenclatures est loin d’être résolu. Malheureusement, les quatre types sont nommés en fonction de leurs clauses réglementaires, à savoir les articles 6, 8 (a et b) et 9.
Les gestionnaires classent les produits dans l’une des catégories en fonction des caractéristiques ESG qu’ils leur attribuent dans leurs promotions. Les fonds dont le nom comprend les trois lettres ESG ou dont les supports promotionnels mentionnent les questions ESG pourraient être au moins considérés comme des produits promouvant des caractéristiques sociales et environnementales, ce qui obligera leurs gestionnaires à publier des informations plus détaillées sur leur site Internet, leur prospectus et leur rapport annuel pour attester de leurs objectifs et de leurs performances.
Les conseillers doivent aider les investisseurs à se rendre compte des avantages des nouvelles données
Les informations réglementées peuvent être à double tranchant. On peut se réjouir de cette initiative qui vise à renforcer la transparence, d’autant plus si cela suppose de ne plus harceler, intimider ou ennuyer purement et simplement les gens. Les informations ESG posent toutefois des difficultés en raison de l’immense diversité des enjeux qu’elles recouvrent et de l’infinie variété des solutions pour y remédier.
Compte tenu du volume et du caractère technique, le nouveau règlement ne semble pas être pour autant une source d’informations utiles, concises et faciles à comprendre pour les investisseurs. De longs passages sont notamment consacrés à la façon dont les entreprises prennent en compte les facteurs ESG, et de nouveaux indicateurs liés à la stratégie d’investissement spécifique de chaque produit seront proposés. Pas moins de 16 nouveaux indicateurs seront calculés par chaque entreprise, montrant les effets de leurs placements sur des enjeux tels que le climat, l’eau, les déchets et la diversité.
Plusieurs mesures prévues dans le Plan d’action de l’UE pour une finance durable s’adressent directement aux conseillers, y compris des éléments du SFDR. À l’instar des gestionnaires d’actifs, les conseillers doivent mettre à jour leur site Internet afin d’informer les clients qu’ils tiennent compte des principales incidences négatives dans leur processus de conseil et de leur indiquer s’ils utilisent les données SFDR des entreprises pour choisir les produits qu'ils recommandent.
Les changements ne seront pas visibles du jour au lendemain
Les premiers prospectus et sites Internet seront mis à jour à compter du 10 mars, mais il faudra attendre 2022 et 2023 avant de voir apparaître des données quantifiables.
Premièrement, les documents, dont les prospectus pour les OPCVM et les documents d’informations clés pour l’investisseur pour les produits de retraite européens, doivent contenir des explications sur la manière dont un produit prévoir d’atteindre ses objectifs ESG et comment ceux-ci seront mesurés.
Un nouveau modèle de formulaire sera ajouté en annexe de ces documents. Les investisseurs sauront ainsi quels sont les indicateurs utilisés pour mesurer les progrès réalisés par rapport aux objectifs, la référence utilisée pour comparer les performances d’un produit, son allocation d’actifs et le montant investi indirectement (via des produits dérivés ou des fonds de fonds).
Les rapports annuels suivants comporteront une annexe équivalente indiquant les résultats réels des produits au cours de l’exercice précédent par rapport à leur référence, les 15 principaux placements sur la période, une description des placements classés dans la catégorie « Autre », ainsi que la proportion des actifs du portefeuille investie dans des placements durables.
Enfin, à compter de 2022, les entreprises rendront publique leur performance globale par rapport à une série d’indicateurs environnementaux et sociaux des incidences négatives pour l’année civile.
Les prochaines étapes pour un cadre d’investissement ESG
Le règlement SFDR représente une étape majeure pour l’univers des placements ESG, en fournissant une structure pour l’offre toujours plus large de produits d’investissement proposés aux investisseurs. En supposant que les règles ci-dessus soient ratifiées dans les trois prochains mois, les initiateurs ont du pain sur la planche et sont très dépendants des sociétés dans lesquelles ils investissent pour la publication de l’ensemble des données en matière de durabilité sur leurs activités.
La Commission européenne a parfaitement conscience du problème et devrait dévoiler très prochainement les détails concernant les obligations de reporting des entreprises, ainsi que la taxonomie de l’UE et le détail complet de son règlement phare
Par ailleurs, étant donné qu’il s’agit des textes les plus récents du corpus législatif de l’UE, le Royaume-Uni a exercé son droit, une fois le Brexit entériné, de ne pas appliquer le règlement SFDR. Le gouvernement s’est engagé auparavant à au moins égaler les ambitions de l’UE et les futures propositions de la FCA concernant un régime de transparence britannique pourraient aller encore plus loin. Ce ne sera pas une mince affaire d’autant plus s’il faut éviter les contradictions entre les différentes exigences, une augmentation des coûts ou de semer le doute dans l’esprit des investisseurs.
Le règlement SFDR donnera le coup d’envoi à une année décisive pour l’investissement ESG. Pour une analyse plus approfondie, suivez les travaux de recherche consacrés aux politiques de l’UE que nous publierons prochainement.