Questions posées à Jonathan White, Head of Client Portfolio Management, Rosenberg Equities, AXA Investment Managers
L’investissement factoriel a attiré de nombreux fonds. Comment voyez-vous l’évolution des afflux de capitaux à l’avenir ?
Je pense que les investisseurs poursuivront leurs allocations factorielles et que ce segment de marché prendra de l’ampleur. L’idée empirique selon laquelle il existe des modèles de risque et de rendement associés aux caractéristiques spécifiques des entreprises est intemporelle, tout comme la notion selon laquelle il existe un système d’allocation de capitaux plus performant que l’indice pondéré en fonction de la capitalisation boursière. Les investisseurs veulent un moyen efficace d’accéder aux primes de risque des actions et l’investissement factoriel le permet.
L’investissement factoriel est-il actif ou passif ?
Nous pensons sincèrement que l’investissement factoriel est un investissement actif. Il s’agit d’une décision active visant à s’éloigner de la capitalisation boursière comme point de départ de l’allocation d’actifs. Le fait ensuite de choisir la bonne combinaison de facteurs pour remplir ses objectifs de placement est également une décision active. C’est une démarche dynamique qui exige un contrôle attentif et un état d’esprit proactif.
Les clients peuvent acheter des primes factorielles de façon pratique et efficace par l’intermédiaire des ETF. Pourquoi passer par un gestionnaire actif ?
Nous apprécions certains des avantages que les fournisseurs d’ETF apportent à l’écosystème d’investissement. Toutefois, les ETF factoriels basés sur des indices populaires présentent certaines limites importantes dont les clients ont tout intérêt à tenir compte. Par exemple, il est courant que la conception des facteurs et la mise en œuvre des investissements soient effectuées par des organisations distinctes. Cela crée une zone d’ombre fiduciaire en termes de contrôle et de responsabilité. L’autre problème avec de nombreux ETF factoriels est le fait qu’ils utilisent généralement des données standardisées et des indicateurs simplifiés pour élaborer leurs facteurs, et que leur démarche se borne souvent au paramétrage « une fois pour toutes » quand il s’agit de développer un produit.
En revanche, les gestionnaires actifs comme Rosenberg Equities sont propriétaires de l’intégralité de la chaîne de valeur en matière d’investissement factoriel. L’investisseur peut bénéficier de notre processus de recherche et de développement continu ainsi que des considérations de mise en œuvre qui sont intégrées à la conception du produit, et il n’y a aucun doute sur l’attribution des responsabilités en ce qui concerne les performances du placement.
Les gestionnaires d’actifs mobilisent également leur expérience pour élaborer de meilleurs facteurs en intégrant des données exclusives et des contrôles supplémentaires dans le but de gérer certains éléments comme le risque extrême. Par exemple, nous utilisons à présent des données non financières, comme la diversité au sein du conseil d’administration, pour avoir une meilleure idée de la qualité. Nous commençons également à utiliser des données provenant des modèles de traitement de la langue naturelle pour améliorer notre évaluation de la dynamique.
Enfin, et c’est un point qui est étonnamment peu abordé, en tant que gestionnaire actif, nous construisons des portefeuilles responsables ; nous nous engageons et votons au nom de nos clients.[1] Il s’agit là d’un domaine dans lequel l’industrie passive est défaillante, sans doute parce qu’elle doit par définition être « passive ».
Quelles sont les primes factorielles qui donnent lieu à des combinaisons particulièrement attrayantes ?
Tout dépend des attentes en matière de performance et de l’appétit au risque. L’association valeur, qualité et dynamique est une approche davantage axée sur la performance, mais qui s’accompagne d’une plus grande volatilité, tandis que le fait d’associer les facteurs de faible volatilité et de qualité peut permettre de dégager une performance supérieure assortie d’une volatilité nettement inférieure à celle du marché. Récemment, cette association faible volatilité/qualité s’est révélée très attrayante compte tenu de la volatilité généralisée sur les marchés, et nous pensons qu’elle pourrait être adaptée à un contexte de ralentissement de la croissance et de soubresauts géopolitiques.
Le modèle tri-factoriel a identifié la valeur et la taille comme primes factorielles. Ces facteurs ont-ils encore de l’avenir aujourd’hui ?
Oui. Je pense que les préoccupations concernant la pertinence de facteurs tels que la valeur et la taille résultent d’un biais lié à leur caractère récent. Je reconnais qu’il est étrange d’utiliser le terme « récent » dans la mesure où la valeur est faible depuis longtemps, plus de 10 ans selon certains indicateurs, et je comprends qu’il soit assez tentant de penser que la valeur « ne fonctionne plus ». Toutefois, chaque facteur souffre d’une certaine cyclicité dans ses modèles de performance. Bien que 10 ans puissent paraître longs, cette sous-performance s’explique par des raisons économiquement rationnelles, comme le contexte de taux d’intérêt extrêmement bas qui a alimenté un marché haussier pour les investisseurs axés sur la croissance.
Il ne faut pas oublier qu’il y a eu des périodes plus longues durant lesquelles la prime de risque des actions a elle-même été négative ou n’a pas fonctionné : au cours des 100 dernières années, 3 périodes ont duré plus de 10 ans.[2]
Personne n’abandonnerait de manière crédible l’idée de la prime de risque du marché dans la mesure où elle est fondamentale et liée à l’économie réelle. De même, il ne faut pas perdre confiance dans les facteurs fondamentalement ancrés comme la valeur. Au contraire, les investisseurs doivent reconnaître que tous les facteurs comme la valeur et la taille connaîtront des performances cycliques, ce qui justifie le recours à une combinaison de facteurs afin de réduire le risque de faiblesse cyclique.
Cela étant, il est important que les facteurs évoluent afin de mieux capter les résultats fondamentaux qui alimentent leurs primes de rendement. Il est possible que l’évolution de la structure du marché, comme le développement de sociétés peu capitalistiques, nous oblige à nuancer notre façon de mesurer la valeur et à adopter une vision davantage tournée vers l’avenir.
Comment les investisseurs peuvent-ils mieux différencier les fournisseurs d’approches d’investissement factoriel : sur la base des primes sélectionnées ou dans la mise en œuvre ?
Les deux selon moi. Il faut non seulement élaborer un meilleur facteur, mais également l’appliquer de manière efficace. De par sa nature, l’investissement factoriel exige une exposition diversifiée à de nombreuses entreprises, de sorte qu’un style de négociation efficace, un rééquilibrage réfléchi et des frais peu élevés sont des éléments importants à ne pas négliger lorsqu’on envisage une approche fondée sur des facteurs. Si votre gestionnaire renouvelle fréquemment le portefeuille, vous devez tenir compte de la profondeur de son analyse factorielle et du degré d’érosion de l’alpha par les frais.
[1] Les activités d’engagement ne sont pas menées directement par Rosenberg Equities. Aucune garantie n’est donnée quant au résultat des activités d’engagement.
[2] 15 ans de 1929 à 1943, 16 ans de 1966 à 1981 et 13 ans de 2000 à 2012.